dimanche 20 mars 2016

L'antiféminisme des féminins mélioratifs


Un féminin mélioratif résulte de l'ajout de la lettre e au masculin d'un métier ou d'une fonction, pour établir une "valorisation" par rapport au féminin usuel.

 L'ajout de la lettre e aux noms terminés par -eur a permis une évolution considérable dans la prise en compte des réalités professionnelles. (1) Mais cette féminisation a vite été utilisée à mauvais escient. Que l'on dise sculpteure, sculpteuse ou sculptrice ne modifie pas la perception de cette activité artistique. Mais quand une Québécoise a exigée d'être nommée directeure pour ne pas être confondue avec la valetaille des directrices, ce fut une boite de Pandore pour toutes celles qui rêvaient de prouver leur supériorité et ceux qui étaient heureux de leur accorder ces colifichets. Et les gouvernements créèrent des directeures, des inspecteures, des recteures, des contrôleures, en veux-tu en voilà. Pour ne pas oublier les médias, ces fidèles organisateurs de cirques médiatiques et de débats tronqués, les reportrices devinrent reporteures. (2)
 Dans les entreprises où le féminin ingénieure était naturel, les chercheuses se proclamèrent chercheures.

 Le mot professeuse a été récrié sous le prétexte d'une connotation sadique ou érotique. En quoi le masculin diffère-t-il de ces fantasmes ? Les noms de métiers, particulièrement au féminin, ont pour la plupart une connotation triviale, familière et/ou péjorative. Est-ce un motif pour les retoquer ? On revient ici à l'utopie du changement lexical pour transformer une réalité.
 Voici ce que nous lisons actuellement, reflet de ces errements :
« ELLE » ACTIVE MOBILISE EXPERT(E)S, DIRIGEANT(E)S DE PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES, CHERCHEUR(E)S ET TÉMOINS HOMMES ET FEMMES, POUR VOUS PERMETTRE DE MIEUX COMPRENDRE CE QUI NOUS ATTEND PROFESSIONNELLEMENT DANS LES DIX ANS QUI VIENNENT.
 Et ce qui serait nettement plus compréhensible et représentatif :
« ELLE ACTIVE » MOBILISE EXPERTES ET EXPERTS, DIRIGEANTES ET DIRIGEANTS DE PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES, CHERCHEUSES ET CHERCHEURS, TÉMOINS FEMMES ET HOMMES, POUR VOUS PERMETTRE DE MIEUX COMPRENDRE CE QUI NOUS ATTEND PROFESSIONNELLEMENT DANS LES DIX ANS.
 Les déclarations pontifiantes sur la féminisation des noms de métiers ne peuvent occulter le fait que ce n'est ni aux éminents spécialistes ni aux dictionnaires d'en décider mais à la société. Pour le féminin des noms en particulier, le pragmatisme de l'Office québécois de la langue française donne à l'Académie française une apparence figée et sclérosante. (3)

 Pour ceux qui recherchent une liste cohérente de noms féminins de métiers sans terme superfétatoire, je recommande la page de l'Office québécois de la langue française recensant les noms de métiers (4) et le Dicthographe (5) qui présente maintenant systématiquement le féminin avant le masculin.

(1) https://sites.google.com/site/reglesdorthographe/regles-pour-le-feminin
(2) http://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/PDF/avis_goq_feminisation_2015.pdf
(3) http://www.academie-francaise.fr/la-successeur
(4) http://66.46.185.79/bdl/gabarit_bdl.asp?Th=1&Th_id=359&niveau=
(5) https://sites.google.com/site/ledictho/