dimanche 23 juillet 2023

Un crapaud sans eau


Le nom (un) crapaud est dérivé du germanique krappa « crochet » en raison des pattes crochues de cet animal (voir : agrafer), probablement par l'intermédiaire de l'ancien français grape, crape « crampon, grapin ».

Ce nom est particulièrement productif avec toutes sortes de suffixes.

On a lu un crapaudaillon pour un petit crapaud et... un personnage hideux, une crapauderie pour un ensemble de personnages sales, hideux, repoussants, une crapaudière pour un lieu où se trouvent rassemblés un grand nombre de crapauds et... un lieu bas, humide, sale et malpropre.

Voltaire, à l’article Beau de son Dictionnaire philosophique portatif, se demanda ce qu’était le beau pour un crapaud et écrivit : « Il vous répondra que c’est sa crapaude, avec deux gros yeux ronds sortant de sa petite tête, une gueule large et plate, un ventre jaune, un dos brun. ».

La crapaudine, une pierre précieuse formée par une dent fossile de poisson, a été nommée ainsi car on croyait qu'elle provenait de la tête du crapaud.

Par analogie avec la forme et l'attitude du crapaud, une crapaudine est aussi une pièce de métal qui sert, à l'arrivée d'un tuyau de bassin ou de réservoir, à empêcher les ordures de pénétrer ; une boite de métal qui reçoit le pivot d'un arbre vertical ; une pièce de métal recevant ou portant le tourillon d'un pivot de serrure. L'expression à la crapaudine se dit d'une manière d'apprêter les volailles (pigeons, palombes, poulets) en les faisant griller, les ailes et les jambes ouvertes et écartées.

Plus récent, un crapauduc désigne une buse permettant aux batraciens de passer sous la route.

Le mot crapoteux (sale, dégoutant) et le verbe crapoter sont peut-être formés sur crapaud. 

Le nom (un) crapahut vient de crapaud où la syllabe finale est prononcée par jeu avec diérèse par comparaison avec les mouvements effectués sur un trapèze et une reptation en terrain accidenté, avec l'influence possible, par analogie, de chahut, chahuter. D'où le verbe crapahuter, en argot militaire, signifiant progresser, par reptation et sauts, en terrain difficile.

Le nom (un) crapouillot est dérivé de crapaud au sens de « sorte de mortier » avec les suffixes -ouille et -ot : un petit mortier de tranchée utilisé pendant la Première Guerre mondiale, un projectile lancé par ce mortier, un servant d'une batterie de ces mortiers, un obus de 77 allemand, un bidon agrandi en y tirant une cartouche. Un servant d'un crapouillot était aussi nommé crapouilleur ou crapouilloteur. Le verbe crapouiller, grouiller comme des crapauds, est ainsi devenu crapouilloter en argot militaire (bombarder par crapouillots ; pleuvoir, tomber en parlant des bombes d'obusiers, d'obus de mortiers), ce qui donnait un crapouillage ou crapouillotage.

Le nom (un) crapoussin, un autre dérivé irrégulier de crapaud avec le suffixe -in, désigne un petit crapaud et... une personne de petite taille, bedonnante et contrefaite, une personne sans importance, un homme de rien, un bambin, un marmouset.

Le suffixe -aud, avec sa variante -aut, peut surprendre : crapaud a remplacé l'ancien français crapout, crapot. Ce suffixe a habituellement une valeur augmentative et pas vraiment sympathique (courtaud, finaud, lourdaud, rougeaud, noiraud, rustaud, connaud, salaud, soulaud, pitaud, pataud, penaud, bêtaud, moricaud, ribaud, foutraud,...). la plupart de ces mots ayant été créés au 16ème siècle.

Le suffixe -eau est bien plus fréquent, généralement pour des diminutifs, par exemple des petits d'animaux, ce qui nous vaut la graphie enfantine des "animeaux". Même si ce suffixe peut aussi avoir une valeur péjorative, on supportera plus facilement d'être traité de conneau que de connaud.

Aussi, on ne s'étonne pas vraiment en découvrant ce titre "Un crapeau dont l’espèce est menacée d’extinction interrompt une compétition internationale de golf", le levraut étant devenu levreau.

Pour aller plus loin, signalons le latin bufo, bufonis « crapaud » que l'Académie française, dans la rubrique Dire, ne pas dire, rattache à la racine bhel-, signifiant « se gonfler », certains batraciens mâles, particulièrement à la saison des amours, pouvant étonnamment gonfler leurs joues pour produire de puissants sons et se faire remarquer par les femelles. L'Académie rattache à cette racine gonfler, enfler, souffler, phallus, bouge et Belge. Sont aussi formés avec le latin bufo, bufonis : les bufonidés, une famille d'amphibiens batraciens anoures, des crapauds à peau sèche et verruqueuse ; une bufonine et une bufotaline, une protéine du venin de crapaud ; une bufoténine, NN diméthylsérotonine, dérivé de la sérotonine découvert dans les excreta des Crapauds, le venin de la peau du crapaud commun Bufo bufo ; une bufothérapie, une thérapeutique utilisant le venin extrait des glandes pustuleuses du dos du crapaud Bufo bufo ; une bufothionine, un ester sulfurique de la déhydro-NN diméthylsérotonine, dérivé de la sérotonine qu’on trouve dans la peau des batraciens [crapauds], parfois en grande quantité.

L'Académie française précise aussi :

Parmi les formes en -lyte, nous en retiendrons deux. D’abord l’alyte. Sous cette dénomination savante se cache un mystérieux animal, plus connu sous le nom de « crapaud accoucheur ». Ces batraciens ont en effet une étrange particularité : le mâle conserve pendant six à huit semaines, en tresses autour de ses pattes arrière, les chapelets d’œufs pondus par la femelle. Il les gardera avec lui jusqu’à ce que, sentant l’éclosion proche, il s’installe dans une pièce d’eau où les petits pourront naître. Son nom alyte est emprunté du grec alutos, « qui ne peut être délié », parce que notre crapaud semble ne pouvoir être délivré de ces œufs avant que n’en sortent des têtards.

L’origine de potiron est encore discutée. Dans son Dictionnaire étymologique des mots français d’origine orientale, Marcel Devic le fait venir de l’arabe foutour, « champignon », mais d’autres évoquent aussi un rapprochement, par analogie de forme, avec l’ancien français boterel, « crapaud », ou avec le latin tardif posterio, « derrière, postérieur » (que l’on trouve aussi dans la locution potron-minet).

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